Saint-Martin-de-Vers (46). Son Clocher
MONOGRAPHIE SAINT-MARTIN-DE-VERS
Edmond Albe
Introduction
Sur les bords du ruisseau de Vers, de averro, comme disent les vieux textes, se groupent, autour de l’église, les maisons de Saint-Martin, à l’ombre de noyers séculaires, au pied de la falaise qui porte le village de Fages.
Nous savons peu de choses sur cette paroisse qui dut être assez tranquille sous la crosse paternelle des abbés de Marcilhac qui en furent les seigneurs. Le château où ils faisaient parfois leur résidence - tel Flotard d’Hébrard de saint-Sulpice, en 1506 - avait un aspect assez antique pour que la tradition du lieu l’ait attribué aux Templiers. Mais si les Templiers qui eurent une commanderie à Cras possédèrent quelque terre dans la juridiction de Saint-Martin, il n’y eurent pas autre chose ; pas davantage non plus les Hospitaliers de St Jean qui leur succédèrent au Bastit et à Cras.
Le seigneur était un seul : l’abbé de Marcilhac qui était en même temps patron et décimateur : donnant au curé, dont il avait la présentation, la portion congrue (le pouillé Longnon met à tort que le curé était à la présentation du chapitre de Marcilhac).
L’église de St Martin faisait partie de l’archiprêtré de Cahors, et de la congrégation foraine de Saint-Sauveur-la Vallée.
Nous n’avons que quelques noms d’anciens curés. Antoine de Flaujac, en 1550 ; en 1580, Me Cavalié, lequel avait perdu ses lettres d’ordination dans le sac de Cahors par les protestants (note Foissac) ; en 1581, M. Dupuy ; en 1650, Jean de Pons ; avant 1719, M. de Ribeyroles, transféré à Aynac ; en 1740, Pierre Aymard ; en 1760, Géraud Houtié, ancien vicaire de Cremps, maître ès arts de l’université de Cahors.
L’église de S. Martin de Vers, ruinée pendant la guerre de Cent ans, fut réparée ou reconstruite au XVè siècle, dans le style du temps.
La seigneurie
Elle appartenait à l’abbé de Marcilhac, et, encore à la fin du XVIIIè siècle, on voit les agents du cardinal de Zelada, abbé commendataire résidant à Rome, ou plutôt de son procureur Me François Tournié, exercer leurs fonctions et, à son avènement, demander les reconnaissances aux feudataires, avec les acaptes, etc.
Famille de Castres (dite aussi de Chastres)
Etienne de Castres est dit en 1598 habitant de S. Martin de Vers ; son fils François devient coseigneur de Tersac (Cressensac) par son mariage avec demoiselle Madeleine de Faydit en 1635. François testait en 1650, le 10 juillet. Il est dit noble François de C., écuyer, du lieu de Saint-Martin d’avers, où il veut être inhumé au tombeau de ses feus père et mère. A cet acte, où sont nommés ses huit enfants, assistaient les curés de St Martin, de Fages et de La Mothe, noble Pierre du Garric, sieur del Peyronenc, noble Hugues du Puy, écuyer, Me Durand Montal, juge de La Mothe et Jean de Seignardie, chirurgien de Saint-Martin.
Son fils aîné, Jean, ne semble pas avoir beaucoup survécu à son père. Le second, Antoine, dit chevalier de Castres, habitait Saint-Martin en 1676. Le 25 mars 1677, au château de Tersac, il épousait demoiselle Marie du Batut, fille de Jean, seigneur de Lapeyrouse (en Limousin). Il faisait son testament, en 1687, en la maison noble du Breuil, près Collonges, et fondait, dans l’église de Cressensac, où il voulait être enseveli, au tombeau de ses pères (c’est-à-dire des de Faydit), un obit d’une messe par an dans la chapelle Sainte-Catherine, qui appartenait à la famille.
Tous les autres documents que nous avons concernant cette famille ne parlent plus de S. Martin.
Famille Cassagnes de Peyronenc
Famille bourgeoise, feudataire de l’abbé. D’après un rapport du féodiste Malaval, une partie des biens possédés en 1779 avaient été autrefois reconnus à l’abbé en sept. 1520 par Jean Malique Cantagrel, notamment une chènevières au terroir appelé l’ort abatial (jardin de l’abbé), tout près du moulin. Le rapport en question est une dénonciation de la conduite du fils Cassagnes, sieur de Peironenc, qui aurait déchiré la page du registre du notaire et fortement insulté ledit notaire, puis avalé la page déchirée. Cela se serait passé à Saint-Martin, dans la maison de la dame de Gironde, épouse de Messire Raymond de Foulhiac. Le jeune homme reconnut ses torts et demanda qu’on n’en dit rien à son oncle, le chanoine.
Ce chanoine est-il le même qui mourut à Tours en 1835, laissant par testament une somme de 800 francs de rente pour fonder et entretenir à Saint-Martin de Vers une maison de Dames Hospitalières de la Présentation, dont le chef-lieu est à Tours, destinée à l’instruction des jeunes filles ? Ce qui nous le ferait croire, c’est qu’il laissait cent francs de rente au chapitre de Cahors, pour un service anniversaire à perpétuité. Il laissait aussi cent francs de rente pour l’entretien des chapelles de N.D. et de S. Roch dans l’église de S. Martin.
La fondation traîna un peu : elle fut faite cependant ; et au mois d’octobre 1847 deux soeurs se rendaient à Saint-Martin pour faire la classe et soigner les malades. L’école congréganiste est restée jusqu’aux lois de laïcisation.
Cette famille Cassagnes était fort ancienne à St-Martin : en 1492, un Jean Cassagnes était sergent royal de Saint-Martin de averro.
On mentionne en 1536 un Bernard de Labarthe, dit Saint-Marty, natif de ce lieu et juge-mage du Quercy ; et, en 1639, un Jean de Cardaillac, sieur de St Martin.
En 1270, un Raymond de la Roumegouse, fils de feu Pierre du Panjoular, de la paroisse de St Martin vendait à Pierre Christophe, clerc, et à Durand de Averso, une terre en la dite paroisse au lieu dit La figaireta.
Les du Garric
En 1521, noble Gaillard du Garric, seigneur d’Uzech et de Lapeyre, achetait de Guillaume Dupuy, de St Martin, la moitié du moulin de la place de Saint-Martin de Vers, portant 8 quartes de mixture et 4 quartes de froment au prieur.
Cette famille du Garric était originaire d’Ussel, et le premier connu est un Pierre du Garric, marchand de Cahors, père de ce noble Gaillard dont nous venons de parler, chef de la branche d’Uzech, et de noble Jacques de Garric, sieur de Lapeyre, chef de la branche de Saint-Martin, lequel acheta aussi, mais du chapitre de Cahors, 8 autres quartes de blé de rente dues sur ce moulin de la place de St Martin. Il avait épousé demoiselle Jeanne d’Olvy, de St Martin.
La seigneurie de Lapeyre est dans la commune de Berganty, primitivement paroisse de St Cirq et aujourd’hui paroisse en exercice (Il y avait une paroisse, disparue pendant la guerre de Cent ans, à N.D. de Fages, aujourd’hui transférée à N.D. de Lapeyre). Le nom en fut donné au château ou maison noble des du Garric à St Martin, maison possédée plus tard par les Cassagnes de Peyronenc et devenue ensuite presbytère.
Le nom de Lapeyre se trouvait aussi uni à celui d’une chapelle de l’église St Martin où les du Garric eurent leur sépulture.
Cette branche fut alliée aux de Rodorel, aux de Lacoste de Fontenilhe (de Soucirac), aux de Gironde de Montanel (voir la généalogie).
Un du Garric de Lapeyre prenait le titre de Garric du Peyronenc, du nom d’un fief de la paroisse, qui se retrouve au moulin situé en amont sur le ruisseau de Vers ; fief qui passa plus tard à la famille des Cassagnes.
Un fief de Laroche (il y a un moulin de ce nom en aval de St Martin).
La communauté
La communauté de Vers comprenait celle de Lauzès, si l’on en croit le cahier des doléances et les listes des impositions, tandis que Fages, aujourd’hui commune de St Martin était compté à part.
Elle faisait partie de l’élection de Cahors. Les impositions (Fourastié, p. 292) étaient ainsi réparties : Taille : 3378 livres ; charges locales : 72 l. ; trop allivré 124,10 s. ; vingtième rural : 1604 l. ; capitation roturière, 1355 l. 15 s. - y compris Lauzès. La population de la paroisse St Martin évaluée à 445 habitants vers le même temps (1780). Le pouillé alphabétique de cette époque porte 300 communiants et pour Lauzès 200.
Fages devait payer 1296 livres de taille ; 41,10 de trop allivré ; chemins 99 livres 2 s. ; vingtième rural : 371 l. ; capitation roturière : 313 l. ; charges locales 40,20 (Fourastié, p. 116 - on a imprimé 11.296 livres de taille). Population évaluée à 197 habitants - communiants : 100.
Doléances pour S. Martin de Vers et Lauzès
On demande : 1°) Tenue périodique des Etats Gén. pour la fixation des impôts, 2°) Les Etats du Quercy à Cahors, 3°) Comptabilité des ministres, 4°) Suppression des receveurs, à la charge pour les provinces de faire parvenir les impôts au roi, 5°) Impôts répartis sur tous sans distinction de classe, 6°) Admission de tous aux charges, 7°) Suppression des bénéfices simples, augmentation des portions congrues à 1500 l. et des émoluments des vicaires à 600, annexes érigées en cures, 8°) Réduction de la dîme à un même taux pour les gros fruits, 9°) Gouvernement de chaque province suivant ses coutumes, confection d’un nouveau code pour l’ordre judiciaire, 10°) augmentation du pouvoir des présidiaux, réforme des abus, 11°) Suppression des droits de contrôle, en établir de plus justes, mieux connus et réduits, 12°) L’université à Cahors, juridiction consulaire, 13°) Franchise du franc-fief en vertu de l’acquisition faite le 30 nov. 1673 par les trois élections du Quercy, 14°) L’éducation de la jeunesse confiée à un corps, 15°) Faire connaître l’état de la communauté « qui est composée de Saint-Martin d’Avern, située dans un vallon si resserré que les collines se touchent par leurs bases, et de Lauzès, sur le causse fort sec et en pente sur St Martin. Cette situation respective est très nuisible à l’une et à l’autre à cause des ravines qui reviennent chaque année et souvent plus d’une fois ; la dîme de ces deux paroisses, presque à raison de onze un sur tous les fruits, n’a jamais été affermée plus de 2000 l. comme il paraît par les baux, restent 20.000 l. sur lesquelles il faut payer les impositions royales et seigneuriales, qui se portent à environ 5000 ». (Ce n’est pas exagéré ; le total des chiffres donnés ci-dessus va à 6534 l. 5 s.)
Les signatures sont celles de Grépon, Cambres, Labarthe, Guary, Malique, Moncoulié, Miquel, Moles, Dayes, Magot, Alairac. Cambres, juge.
Doléances de Fages
Elle se plaint de payer trop d’impôts eu égard à la nature de son sol et à ses autres charges.
La dîme est au 1/10 pour les principaux grains, au 1/11 pour le vin et le foin, au 1/21 pour le millet et les légumes.
La rente due au seigneur est à raison de 1 quarton 1 once 3 onces de froment, mesure de Cahors, par quarterée ; la rente d’avoine est la moitié ; elle paie quelque argent et, par feu, 1 paire poules, 1 p. poulets et 2 manoeuvres.
Ces diverses redevances lui enlèvent 2/10 de sa production. L’exploitation et la culture prennent 4/10 ; c’est ce qui reste au propriétaire, pour payer les impôts et pour vivre.
Or, la production, par suite de divers accidents, est déficitaire : on ne recueille plus, communes années, que 800 quartes de tous grains : il s’en faut beaucoup qu’il en reste 400 aux propriétaires, et les autres fruits ne comptent guère.
Et le paragraphe suivant dit que c’est au plus s’il en reste 2000 (sic) pour la subsistance de 220 individus, qui doivent en consommer 1320 (il doit y avoir quelque confusion). La communauté est sans arts, sans industrie, sans commerce, et les forains tiennent une bonne partie du taillable.
On se plaint du nombre croissant des mendiants, vagabonds et voleurs ; de l’esprit de scélératesse et de rapine qui croît de plus en plus et qu’on voit grandir chez les enfants. Si l’on se plaint, les coupables menacent de tuer et d’incendier. Cependant la sécurité des cultivateurs intéresse le roi car ils forment la plus grande partie et la plus utile de ses sujets. Il faudrait abolir la mendicité et sévir rapidement et sévèrement contre les voleurs : il y aurait ainsi plus de main d’oeuvre.
Ils demandent une répartition des impôts plus égale ; l’égalité n’existe dans aucun des trois Etats, ni entre les deux Etats privilégiés et le Tiers.
Les trois Ordres doivent s’intéresser aux routes.
La capitation est un impôt arbitraire qu’il faudrait changer ou organiser. Le contrôle aurait besoin de réforme. On pourrait simplifier la levée des impôts.
Les saisies sont l’occasion de beaucoup d’abus et d’injustices.
Il y aurait bien d’autres choses à dire, si le rédacteur de ce cahier, sans doute M. Cambres, juge, un des signataires, qui a mis beaucoup de rhétorique dans son exposé, si différent de l’exposé simple et sans phrases du cahier de Saint-Martin-de-Vers. Mais on a laissé trop peu de temps pour « s’instruire et concevoir des idées dignes d’être proposées pour concourir au bien que sa majesté a en vue ».
On termine par les voeux communs à la province : Etats propres au Quercy, réunis à Cahors. Université.
(Fait à Fages, le 3 mars 1789)
Ce Cayla, qui fut avocat au sénéchal de Figeac, nommé juge du district de Cahors, fut député à la Convention. Le 15 janvier 1793, il votait la mort de Louis XVI, tombait gravement malade le lendemain et mourait précisément le 21 janvier. Il fut remplacé à la Convention par le député suppléant Bladviel. C’est peut-être lui, et non le juge Cambres, qui a rédigé le cahier oratoire de la petite communauté de Fages, sa paroisse natale.
Fages
La paroisse Saint-Pierre de Fages ne dépendait pas de Marcilhac. Elle était à la collation de l’évêque de Cahors et c’était le curé qui en était le décimateur.
L’église semble dater, par son style, du XVè siècle, sans doute reconstruite après la guerre de Cent ans. La voûte a été refaite et une chapelle construite en 1889.
En 1277, le curé de Fages, Pierre Ganiel (ou Ganil) était arbitre entre le commandeur de Cras et le curé de Cours.
En 1339, Me Etienne Batut, recteur de Fages, était procureur de l’évêque de Cahors, pour sa visite ad limina. Il résignait en 1349, et l’évêque de Tulle obtenait cette paroisse pour Etienne de Punhet. Celui-ci d’ailleurs était transféré l’année suivante à Aussac près Mirabel.
En 1513, le recteur de Fages, Jacques de Garric, obtient l’union à son église de celle de Saint-Martin de Vers, et cette union qui ne devait durer que tout le temps où Jacques du G. demeurait à Fages, fut prorogée quelques temps encore, puisqu’on voit en 1533, Antoine du Garric (qui meurt en 1535, curé de Mercuès) résigner les deux paroisses à autre Jacques du Garric.
En 1650, Guillaume Costes, recteur de Fages, est témoin dans un testament de M. de Castres.
Jean Cambres (né en 1680) était titulaire en 1747. Il mourut en avril 1768. La notice de l’ordre le dit ancien curé. Il avait été remplacé le 17 fév. 1767 par Jean Bergounhioux, ancien curé de Puycalvel et de Saint Cyprien. Il n’est plus à Fages à la fin de 1773 : on le trouve, en 1774, témoin au premier procès pour la béatification du Vénérable Alain de Solminihac, avec le titre de chapelain de St André (près Cahors). Son successeur fut, dès le 15 déc. 1773, Georges Issaly, originaire du diocèse de Rodez, qui permutait, le 8 juin 1781, avec le recteur d’Ornhac, Me Louis Caminel. Celui-ci est encore curé à la Révolution : il dut prêter le serment constitutionnel, car le 28 vendémiaire an III, on délivre un certificat de civisme à Jean-Louis Caminel, ci-devant curé de Fages.
La seigneurie
La seigneurie de Fages appartenait aux XVè et XVIè siècles aux Pélegri du Vigan . Elle passa aux Hébrard, par le mariage d’Antoine d’Hébrard, dit du Cluzel, avec l’héritière des Pélegri. En 1687, Fages est compris dans le dénombrement de dame Claude-Simone d’Hébrard de Saint-Sulpice du Vigan, et par le mariage de cette héritière, passa dans la famille de Lostanges de Saint-Alvère où il resta jusqu’à la Révolution. En 1724, M. de Lostanges, grand archidiacre de Cahors, était dit seigneur de Fages.