Exécution par décapitation d’un traître à Martel en 1353. Par Nicolas François Savy Historien

, par Claude Vertut

Exécution par décapitation d’un traître à Martel en 1353.
Par Nicolas François Savy Historien
 
En décembre 1352, maître Bertrand de Pibié, chirurgien, fut convaincu de trahison, ayant voulu aider les Anglais, qui tenaient alors Souillac, à quelques kilomètres, à prendre la ville de Martel, dont il était citoyen. Ce fut la grande affaire martelaise du début de l’année 1353

Exécution par décapitation d’un traître à Martel en 1353.
Par Nicolas François Savy Historien
 
En décembre 1352, maître Bertrand de Pibié, chirurgien, fut convaincu de trahison, ayant voulu aider les Anglais, qui tenaient alors Souillac, à quelques kilomètres, à prendre la ville de Martel, dont il était citoyen. Ce fut la grande affaire martelaise du début de l’année 1353.
 
Un contentieux existait depuis plus d’un an entre la municipalité et le praticien, qui remettait notamment en cause le bien fondé de certains impôts. Le point de non-retour fut atteint lorsque courant 1352, le consulat l’expropria de sa maison, qui devait être abattue pour les besoins de la défense. Il résolut alors de livrer la ville aux Anglais. Confondu, il fut interrogé, avoua et livra de supposés complices. Il fut condamné à être décapité en place publique. Comme le montre le texte ci-dessous, l’affaire semble avoir suscité quelques désaccords au sein de l’assemblée consulaire, mais ils n’empêchèrent pas l’exécution. On note au passage l’attitude du sergent consulaire Ramon de Cassinhac, dit Bilhabau : volontaire pour procéder à la mise à mort du traître, il demanda cependant à ne pas être requis, à l’avenir, pour effectuer une telle besogne pour d’autres types de crimes.
 
 
Délibération du conseil consulaire de Martel au sujet de l’exécution de maître Bertrand de Pibié. Extrait du registre consulaire BB 5 de Martel :

 

Transcription :
 
Item, foro en cossolat lan M CCC LII, lo digos davan laparissia, cossols : Me G. Vidal, P. Barrau, Ramon Guisbert, Johan de Nabona.Cosselhs : B. e P. Marti, W. Clavel, Aymar Guisbert, St. Vorio, P. Cregut, R. de Sanh Jolia, Johan de Dama Alaytz, P. de Rozier, laborador, Rigal Faure, P. de Blanat, Aymar lo Rauc. Fforo al cosselh mossen W. Vassal, capitani, Galhart Tondut, Me Gui Pibie.
 
Item, com Me Bertran de Pibie, surgia, aga coffessat dessa volontat e ses forssa de turmen que el, essems am dautres nompnatz en sa coffessio, volian e avian cospuat trayzo contra lo luec de Martel, lo qual devian redre als Angles per la maniera conteguda en sa coffessio escricha per la ma de Me Gui Pibier, la nugz avan daquesta jornada, fo de volontat de totz dessus que lo digz Me Bertrans sia decapitatz en la plassa, publicamen en prezensa de tot lo poble, e que puy lo capz el cors essems sia mes en las forcas patibularis de Martel, e que lhi cossol lo sentensio per la maniera que es acostumat.
 
Item, fo ordenat e autregat a Ramon de Cassinhac, digz Bilhabau, e as sa requesta, lo quals vol far des sa volontat la dicha execussio per cauza car lo digz Me Bertrans es traydors e no en autra maniera, que al digz Ramon sia donada e autregada letra sagelada del gran sagel del cossolat, que lo digz R. en autres cas dexecutio de negun autre crim en lo luec de Martel ni deffora, si no en cas semblan que toques propreamen cas de trayso, ni en aquel fora de Martel, no poscam dega ni sia compellitz def far autras executios si no que el dessa volontat o volgues ffar.
 
Item, lo jorn mehs en presensa de totz dessus e prezen W. de Rocas, G. de Plapugz sobre venens per saber la coffessio de digz Me Bertran. El estet en sa coffessio escricha per Me Gui Pibier, dizens quan la coffessio lhi fo legida que totas la cauzas en aychi quan escrichas ero verayas. E puhs aqui mehs avans que negus sen anes lo digz Me Bertrans se mes de genolhs, regardans vas lo cel, dizens que per lo perilh en que la soa arma era, que el III homs que el agues accuzat no avian tort daquel fagz, e totz los dezencuzet en prezensa de totz dessus ; de la qual dezencusatio B. e P. Marti, coma convicta persona dels us, e W. de Rocas, com convicta persona dels autres, requiriro carta a me e a Me Gui Pibie.
 
Item, aqui mehs fo meza la execussio del digz Me Bertran en cosselh ef fo delhiberat am lo cosselh, absens los digz W. de Rocas e G. de Plupuchz ; fo delhiberat per tot lo cosselh am los cossols sus la execussio del digz Me Bertran, si la sentensa lay on sera dona per la neausa deu esser meza a execussio ; effo de volontat de la maior pertida del cosselh que no contrastan la neausa la executio si complida.
 
Traduction :
 
Item, furent au consulat l’an 1352, le jeudi avant l’Epiphanie (soit le 4 janvier 1353 n.st.), consuls : maître G. Vidal, P. Barrau, Ramon Guisbert, Johan de Nabona. Conseillers : B. et P. Marti, Guilhem Clavel, Aymar Guisbert, Esteve Vorio, P. Crégut, R. de Sanh Jolia, Johan de Dama-Alaytz, P. de Rozier, travailleur, Rigal Faure, P. de Blanat, Aymar lo Rauc. Furent au conseil monseigneur Guilhem Vassal, capitaine, Galhart Tondut, maître Gui Pibié.
 
Item, comme maître Bertrand de Pibié, chirurgien, a confessé de sa volonté et sans force de tourments (cad. sans torture), que lui, ensemble avec d’autres nommés dans sa confession, voulaient et avaient conspiré une trahison contre le lieu de Martel, lequel ils devaient rendre aux Anglais de la manière contenue dans sa confession écrite par la main de maître Gui Pibié, la nuit avant cette [présente] journée, il fut de la volonté de tous [les nommés ci-]dessus que le dit maître Bertrand soit décapité en la place, publiquement en présence de tout le peuple, et puis que la tête et le corps ensemble soient mis sur les fourches patibulaires de Martel, et que les consuls rendent la sentence de la manière accoutumée.
 
Item, il fut ordonné et octroyé a Ramon de Cassinhac, dit Bilhabau, et à sa requête, voulant de sa [propre] volonté faire la dite exécution car le dit maître Bertrand est un traître et non en autre raison, que au dit Ramon soit donnée et octroyée lettre scellée du grand sceau du consulat, [spécifiant] que le dit Ramon pour les autres cas d’exécutions de tous autres crimes dans le lieu de Martel ou à l’extérieur, s’il ne s’agit pas de cas similaires touchant proprement au cas de trahison, ou à l’extérieur de Martel, ne puisse être inquiété ni contraint de faire d’autres exécutions, sinon qu’il soit de sa volonté de les faire.
 
Item, le même jour en présence de tous [ceux nommés] dessus et présent Guilhem de Rocas, G. de Plapugz est venu pour connaître la confession du dit maître Bertrand. Il resta dans sa confession écrite par maître Gui Pibié, disant quand la confession fut lue que toutes les choses ainsi écrites étaient vraies. Et puis voilà même qu’avant qu’aucun ne s’en aille le dit maître Bertrand se mit à genou, regardant vers le ciel, disant que pour le péril dans lequel son âme était, que les 3 hommes qu’il avait accusés n’avaient aucun tort dans l’affaire et il les disculpa tous en présence de tous [ceux nommés] dessus ; de cette disculpation B. et P. Marti, comme personnes associées aux uns, et Guilhem de Rocas, comme personne associée aux autres, requirent une charte à moi et à maître Gui Pibié.
 
Item, alors fut mise l’exécution du dit maître Bertrand en conseil et il fut délibéré avec le conseil, absents les dits Guilhem de Rocas et G. de Plupuchz ; il fut délibéré par tout le conseil avec les consuls sur l’exécution du dit maître Bertrand, si la sentence qui a été donnée, à cause de la querelle, doit être mise à exécution ; et il fut de volonté que de la majeure partie du conseil que, sans égard à la querelle, la sentence soit accomplie.

ENLUMINURES :

Enluminure représentant des fourches patibulaires à l’entrée d’une ville. Les consuls décidèrent que le corps et la tête de Bertrand de Pibié seraient, comme de coutume, exposés ensemble aux fourches patibulaires de la ville, qui se trouvaient à l’extérieur de celle-ci, non loin d’une porte.

Enluminure représentant une décapitation à la hache. Lorsque Bertrand de Pibié comprit qu’il n’y avait aucune échappatoire, il tomba à genou et leva ses yeux vers le ciel, en affirmant que pour le salut de son âme, il confessait avoir menti en désignant des complices, des personnes à qui il voulait du mal, car il avait agit seul. Le sergent consulaire Ramon de Cassinhac, dit Bilhabau, fut volontaire pour procéder à l’exécution.