Pierre Calel : Biographie

, par Claude Vertut

Alida et Pierre CALEL
JULES LAFPORGUE, dit Pierre Calel, est né à Gourdon, le 5 mars 1873. Ses études secondaires terminées, au Lycée Gambetta à Cahors, il s’en fut le chercher fortune littéraire à Paris. Il est un des fondateurs du Cabaret des Noctambules. Jules Lafforgue fit de nombreuses conférences à Paris, dans les grandes lignes villes de France et à l’étranger ; il fut un des premiers conférenciers de la radio. Il a publié de nombreuses poésies en recueils et dans des revues : Premiers et pas, La Glèbe, et deux petites pièces en vers : Jeune Rosé et Le Pèlerin. Il a écrit un roman : La Revanche de Paris. Sa soeur, Alida, née comme lui à Gourdon, est aussi un écrivain de talent. On lui doit de nombreuses mélodies et poésies, et un livre curieux : La Maison pendant la guerre. Alida et Pierre Calel ont écrit en collaboration : Les Semaines quercynoises et deux romans : La Terre du Bon Dieu et Notre-Dame de la Préhistoire. Jules Lafforgue ! Deux / appuyés et de la terre du Bon Dieu aux yeux « esclops ». Car il y a Laforgue et Lafforgue. Ce signalement n’est pas superflu. Sarcey autrefois, et, naguère, le subtil auteur d’une histoire de la littérature française contemporaine, s’y sont mépris. Elie Richard s’en indigna. Mais on n’a pas loisir de répéter ici cette double et plaisante aventure. Afin d’échapper à toute confusion, le Gourdonnais a clos son champ. Pour nom et pour armes parlantes il a choisi la lampe de cuivre a cinq becs, la lampe noble et paysanne, timbrée au lis, à la rosé, au croissant... où, dans l’huile de noix rousse comme une fille du Causse, brûle et luit une racine grecque : le calel. Et cette lampe, il l’a magnifiquement célébrée. C’est le Quercynois actif et radiant qui va aux idées et les entraîne dans ses randonnées. Il écrit, parle, chante, mime, déclame, voyage, et si les dieux indigènes le ramènent un matin après des semaines et des mois d’absence (et encore en smoking pour avoir soupe avec une princesse), on apprend qu’il a fait le tour de l’Europe. Il eût pu auner du drap dans la boutique paternelle... Il l’a fait quelque peu et à bonne mesure, mais c’était pour mieux écouter drollos et cadets parler d’amour en choisissant le foulard et la cravate, ou pour savoir du bordier, acheteur liardant d’un parapluie aux solides baleines, le degré de l’épiage ou de la véraison. Il n’a qu’à revêtir la blaude à chaînette, à saisir la canne à dragonne, et il tiendra sa place sur le foirail comme devant « s le vinage » de l’auberge. Il sait parler aux hommes et aux boeufs. Et aux dames. Bon chrétien, il est en possession de proférer cent jurons patois tonnants, imagés, magnifiques où éclatent toutes les foudres du ciel et tous les feux de l’enfer — de quoi faire trémuler d’admiration et de terreur dans sa sérénité diplomatique et cardinalice son excellence et son éminence M. Paul Claudel. De Montmartre au Quercy, en Oc et en Oïl, Pierre Calel dit son terroir. Il le dit en clair. Aujourd’hui, sur de riches bûchers, pareils à ceux des funérailles m homériques qu’alimentent les bois rituels : cèdre, aloès, thuya... montent et « drapent » de denses fumées. Dans ces nuées brûle la divine poésie. Elle est là. On le jure. Mais, seuls, les dieux et les prêtres, ont pu voir sa chevelure en feu. Pierre Calel ne jette dans l’âtre quercynol que des bois à flamme pure. C’est une loyale clarté aussi qui tremble et brille avec nos contes et nos symboles au bec de « la lampe antique et familière », pieusement garnie chaque soir par ces bonnes vieilles au « fichu couleur de ma’ïs » que chantent tous les phonos et toutes les T.S.F. du monde.
Anacréon n’a laissé qu’une rosé,
Qui flotte encor sur l’abîme des temps.
Bien des marchands qui, aujourd’hui, emplissent le temple de leurs vociférations et de leur camelote seront à jamais engloutis, que les « ménines », de Pierre Calel, « en riant derrière la main », continueront de cheminer dans les mémoires et dans les coeurs.
LEON LAFAGE