LOU TZENDARMO ET LOU BROCOUNIER Par Albert Lacombe

, par Claude Vertut

LOU TZENDARMO ET LOU BROCOUNIER par Albert Lacombe.

De tout temps, so porét, nostres brabes tzendarmos
Où oïma lour mestier ; mè ço que maï les tzarmo
Coït de pouder suspendr’et morca sul popier
Pescaïres en défâu, cossaïres, brocouniers.

Un tzour, vous diraï bé que n’iot maï d’un’onnado
Mothïou, d’uno lèbre, vilhabo l’orrivado.
Rasi d’un caïrefour, estréma tzul rondal
Escoutabo douna de lo vouè soun tzé : Pal.
Lo lèbre, d’oïciston, mountabo lo coulino
Et s’en veniot tout drét, quond fesso plo molino,
Sus Mothïou que viniot de pousa lou copèl
Per pouder plo milhour métre fusil ô l’èl.
Soun cur de brocounier li fosiot pifo, pafo.

Tout un cop sus l’esquin’uno pato l’ografo :
Un tzendarm’èr’oqui que vous tiniot Mothïou.

Mothïou, sons se troubla dièt : « Espéra’n brïou *
Lo lèbre es oqui. L’entendi que s’otturo
“Tzut ! Tzut ! diès pas ré lo besti’o lo pel duro !
Mè li vous vâu régla soun ofa coumo cal. 
Porloréns bé oprès d’oquel proucès-verbal. ››
« Podi bé espéra, se pensèt lou tzendarmo,
Ouraï lo lèbr’ et lou cossaïre, per moun armo !
Que sier de se proïssa, aï lou temps çoquelai. »

Patri, patra, lou tzibier vous orriv’en çaï
Mothïou subitomént li fou uno pétado
Et d’un golop sen vaï querre lo lèbre tuado.
« Doumatze seriot’sta d’over rota moun cop.
Qualo bestio, d’un dïou ! lo plontzerio hé trop››
Et crési pas qu’ohuyes un t’endormir l’omasse »

Et ço dién Mothïou futzi tzus gospolhlasses.
Tal un roïnal rusa filo coumo lou vént ;
Darco rondals, poréds, cominols, orziolénts,
Bouïssous et grifouléts et prados et compestres.
Couneit lou boun comi, per s’estrema per estre
Léou sourti de dovont lou tzendarm’espota
Oquest’ossotza bé de pouder l’orresta,
Mè ol ca d’un moument fini per s’opercèbre
Que per huyes o monca lou cossaïr’et lo lèbre
Perdrot lou desporti et lou proucès verbal.
Tout moute, mal grocïou, torno mounta’ tzoval
Tzurén, mè un pâu tard, que tzomaï plus cossaïre
O él tzendarmo, nou ! Jo li tournorot faïre.

19 juillet 1928.

Traduction

LE GENDARME ET LE BRACONNIER

De tout temps il paraît, nos braves gendarmes
Ont aimé leur métier ; mais ce qui les charme le plus
C’est de surprendre et marquer sur le papier
Pêcheurs en défaut, chasseurs, braconniers.

Un jour, je vous dirai bien il y a plus d’une année
Mathieu d’un lièvre veillant l"arrivée
Près d’un carrefour, caché sous le roncier
Il écoutait donner de la voix son chien ; Pal
Le lièvre d’entendre cela, montait la colline
Et s’en venait tout droit même si elle était bien maline
Sur Mathieu qui venait de poser le chapeau
Pour pouvoir en mettre le fusil à l’œil.
Son cœur de braconnier faisait pif paf.

Tout d’un coup sur l’échine une main l’agrafe :
Un gendarme était là qui vous tenait Mathieu

Mathieu sans se troubler dit « attends un peu
Le lièvre est là. Je l’entend qui s’approche
“Tzut ! Tzut ! Ne dites rien, la bête a la peau dure !
Mais je vais lui régler son affaire comme il faut
Nous parlerons bien après de ce procès-verbal. »

« je peux bien attendre pensa le gendarme,
J’aurai le lièvre et le chasseur pour mon arme !
Que sert de se presser j’ai le temps quand même. »
Patri, patra, le gibier vous arrive en deçà
Mathieu subitement lui fout une pétée
Et d’un galop s’en va chercher le lièvre tué.
« ça aurait été dommage d’avoir raté mon coup
Quelle bête ! D’un Dieu ! Je la plaindrai bien trop. »
« Et je ne crois pas qu’aujourd’hui un endormi l’attrape »

Et ce disant Mathieu s’enfuit sur les "gospolhlasses"
Tel un renard rusé, il fuit comme le vent ;
Il saute ronciers, murs, petits chemins, "orziolènts"
Buissons et "griffouléts" et prés et champs.
Il connaît le bon chemin pour se cacher pour être
Vite sorti de devant le gendarme
Celui-ci essaye bien de l’arrêter
Mais au bout d’un moment il finit par s’apercevoir
Que pour aujourd’hui il a manqué le chasseur et le lièvre
Il perdurât le déjeuner et le procès verbal
Tout penaud et mal gracieux, il remonte à cheval
Jurant, mais un peu tard que jamais plus chasseur
Ô gendarme non ! On ne le lui referait !

19 juillet 1928.