A LA SAGNE : Jules Delseriès Salut, ô clair...

, par Claude Vertut

A LA SAGNE : Jules Delseriès
Salut, ô clair ruisseau qui murmure et qui chante
Vallée aux doux échos toujours chers à mon coeur !
Toi qui sais accueillir une pauvre âme errante,
Salut, ô bois obscur, refuge du bonheur, !
Par ce beau soir de mai recherchant quelque asile,
Je suis venu goûter tes fleurs et tes parfums
Sous le chêne où je suis, qu’un pic en vain mutile,
Un rocher bien moussu reçoit les importuns ;
Couché dans tes replis d’opulente verdure,
Là je reste longtemps, rêveur silencieux :
A quelques pas de moi c’est l’onde qui murmure,
Le concert des oiseaux) semble venir des cieux.
A mes pieds le muguet symbolique s’étale
Auprès de l’aubépine et du buis odorant.
Entre son nimbe vert, son timide pétale
Ressemble un mot d’amour qu’exhalé un soupirant
Plongés dans leurs pensers, un jeune couple passe,
Frôlant presque le chêne où près j’étais assis.
A peine sous leurs pieds la mousse qui se tasse
Gémit, tant elle semble entendre leurs soucis.
Je les regarde ainsi fuyant dans la ramure ;
Ils s’arrêtent bientôt tous deux sous un ormeau,
Echangent un baiser dont j’entends le murmure,
Puis aussitôt s’en vont vers un bonheur nouveau...
Voilà donc qu’emporté par tes flots, dans un rêve
Sagne tu m’as conduit aux rives de l’amour.
Il me semble soudain, quand ce beau jour s’achève,
Revivre du passé le déclin d’un beau jour !...
Ah ! Certes, je voudrais m’appeler Lamartine
Et pouvoir te chanter comme il chanta Milhy,
Mais ma muse ne peut au pied de la colline
Que ramper, sur un mot, de ton onde jailli.
Je voudrais, remontant ces verdoyantes rives
Qui font sonner ton nom, au creux de ce rocher
Dire avant de partir, que sur tes sources vives
A vaguement flotté un esquif sans rocher !...