LES CHATS de Joseph Blanc

, par Claude Vertut

LES CHATS
GRAVES et doux, plies en leur souple fourrure,
Ils laissent leurs regards errer, dolents et clairs, !
Heureux de reposer, leur paisible nature
Mettant un afr de rêve au fond de leurs yeux verts.

Paresseux et douillets côte à côte ils s’allongent,
Sur le tapis mousseux ils reposent leurs flancs,
Et dans l’épais duvet, avec délice ils plongent
Leurs ongles effilés cachés sous leurs poils blancs.

L’un a d’un fauve blond moucheté son hermine,
L’autre a le corps marqué de larges signes noirs ;
Immobiles, avec des poses de brahmine,
Ils semblent évoquer le fantôme des soirs.

Car la nuit tombe et met au ciel des reflets sombres,
Et, voilant les objets, efface leurs contours,
Et le chat se complaît au milieu de ces ombres
Où seuls, comme allumés, ses yeux brillent toujours.

Mais, à l’appel soudain d’une voix fraîche et claire,
II s’arrache en bâillant à son rêve sans fin,
De lueurs de plaisirs sa prunelle s’éclaire,
Et bientôt il accourt, quémandeur et câlin.

Il miaule, discret, guettant une caresse,
Et lorsque, l’attirant en un geste enjôleur,
Celle qui l’appelait entre ses bras le presse,
II s’y blottit, gardant une douce torpeur.

Lors, on voit s’allumer des yeux couleur de braise
S’approchant en silence ainsi que des follets ;
Semblables aux charbons ardents d’une fournaise
Brillent ces deux regards comme des farfadets.

C’est que le favori n’admet pas de partage
Et que son compagnon vient, sournois et jaloux,
Quêter aussi sa part, ou témoigner sa rage
En un miaulement qu’il veut rendre très doux.
(Rimes Blondes).