EMMANUEL AEGERTER : Biographie

, par Claude Vertut

Emmanuel AEGERTER
ENCORE qu’il porte un nom aux mâles résonances alsaciennes, JEgerter
est un homme du Quercy. Il a passé stin enfance à Cahors, et nul n’a été
plus fidèle que lui au dîner parisien des Amitiés Quercynoises. L’historiographe
de ces dîners pourra un jour écrire un chapitre savoureux et tout
imprégné de poésie. A La Bouteille d’Or, —
ce petit restaurant situé sur les
bords de la Seine, près de Notre-Dame, dégageait la féerie des romans de Mac
Orlan, — se rassemblaient les dîneurs des Amitiés Quercynoises. Pendant quelques
heures, dans une ronde tantôt dorée et joyeuse, tantôt nostalgique et un
peu anxieuse, défilaient les paysages de nos Causses et de nos fleuves. Aegerter
était de ceux qui enveloppent leurs souvenirs dans le cadre de cette anxiété
tendre à laquelle je viens de faire allusion, et l’image quercynoise qui surgissait
comme en surimpression dans sa rêverie avait la langueur de ces beaux
vers flexibles et musicaux qu’on admire chez Rodenbach. La Bouteille d’Or
donnait sur une sorte de Quai des Brumes qu’.3Cgerter arpentait avec une fidélité
douloureuse ; attentif au lent mouvement du fleuve parisien, il faisait ressortir
des eaux vertes de la Seine un Cahors doucement sonore, tiède, monacal,
argenté. ^Egerter est en quelque sorte l’anti-Lafage. Il y a du soleil et des
chants de cigale dans toutes les phrases de Lafage ; il y a surtout des ombres
chez /Egerter ; les bruits d’ailes qu’on entend souvent dans les poèmes d’Emmanuel
.ffigerter sont des bruits effarouchés faits par des oiseaux de nuit. Le
talent d’.ffigerter s’est exprimé dans une triple direction, .ffigerter a cherché
à sculpter, d’une façon d’ailleurs toute objective, la physionomie de certains
révolutionnaires. De là des ouvrages sévères sur Lénine et sur Saint-Just. Il
s’est enfoncé dans les sentiers difficiles des gnoses, des hérésies et des métaphysiques.
Tout récemment (dans le n° dû 1" septembre 1942 de La Nouvelle Revue
Française), il publiait une étude sur Apulée et la Métaphysique au il’ siècle.
Rappelons d’autre part qu’il a écrit sur Joachim de Flore un livre qui fait
autorité. Il y a quelques mois, il étudiait le délicat problème du quiétisme et
consacrait un volume à Madame Guyon. ^gerter est enfin le poète du Voilier
aux Diamants ; Cahors compte parmi les diamants que transporte le voilier
chargé de pierreries.
GEORGES DUVEAU.